Coronavirus, le temps d’un souffle pour la nature

Virus pour l’humanité bénédiction pour la nature, la pandémie de coronavirus n’a cessé de surprendre depuis son apparition. Alors que les dégâts sont devenus presque inestimables chez les hommes, la nature, quant à elle, a pu, d’une manière confortable, reprendre le souffle partout dans le monde.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre

Une chute significative des émissions de dioxyde d’azote, une eau transparente dans les canaux de Venise, un sanglier dans les rues de Barcelone, un puma à Santiago du Chili, des dauphins dans le port d’Istanbul, des lions de mer en Argentine, des phoques à Dunkerque, une civette en Inde ou encore des baleines dans les calanques de Marseille, ces images, d’une magnificence et d’une rareté exceptionnelle, ont fait le tour du monde. Entre le temps d’un confinement des hommes, la nature s’est réveillée de ses plus beaux jours depuis plus de trois décennies. Alors qu’elle subissait jusque-là les agressions les plus morbides et toutes les lubies manifestes découlant des caprices d’une humanité insouciante, la nature s’est vue prendre le temps d’un souffle. Un souffle profond et si cher occasionné par un virus qui ne cesse de montrer à l’homme que cette immense planète bleue n’est pas la richesse à lui seul. 

Et pourtant, de Kyoto à Paris en passant par Cancun ou Copenhague, combien de sommets ont été tenus au nom de mère nature ? Combien de conférence ou de colloques entre grands bandits pollueurs… OUPS ! entre grandes puissances, voulons-nous dire, pour semble-t-il sauver l’environnent qui s’est vu multiplier les massues braconnières sur son corps fragile ? Ces puissances d’ailleurs ont-ils songé une fois au respect des nombreux accords signés ? Plus malheureux même, n’avons-nous pas vu un Président déchiré un accord pris en moins de trois heures du haut des airs que son pays ne cesse d’asphyxier avec ses grandes industries polluantes usants d’une énergie néfaste au commun des mortels. Alors, depuis des décennies jusqu’en 2020 qu’est-ce qui a pu véritablement faire respecter à l’homme la protection d’une nature meurtrie ? Tenez-vous bien ! Il fallut d’un virus à la taille microscopique pour réguler en un temps record les assauts sans limites que vieille dame verte subissait chaque année sur une terre devenue rien d’autre que poussiéreuse et toxique. Le malheur de l’humanité a fait le bonheur de la nature.

L’effet positif majeur de la pandémie de coronavirus demeure, à des fins utiles, la réduction spectaculaire de la pollution et de l’émission des gaz à effet de serre. Sur une période de quatre mois, la baisse a été drastique et partout à travers le monde, même dans les contrées les plus industrialisées, les indicateurs climatiques sont revenus au vert. En effet, le ralentissement de l’activité économique mondiale additionné aux restrictions des trafics aérien, terrestre et maritime, mais également à la fermeture de l’industrie et au confinement des populations ont jugulé les résultats négatifs obtenus depuis plusieurs années sur le climat mondial. Ainsi, les grands centres autrefois ravagés par les émissions de gaz carbonique avec un ciel gris ont vu, en un temps record, s’écrouler le mythe d’un ciel bleu longtemps attendu par les écologistes. En réalité, il s’est avéré qu’en un temps court ce que les multiples sommets mondiaux, les accords et engagements, réunions et tergiversations incessantes n’ont jamais été capables d’accomplir, un minuscule virus, invisible à l’œil nu, l’a réussi.

Une chute vertigineuse des chiffres de la pollution mondiale

La baisse des émissions mondiales de gaz carbonique est conséquente sur les chiffres. En effet, le site anglais Carbon Brief indique que les quatre premiers mois de l’année 2020 ont vu les émissions mondiales de CO2 issues de la combustion de combustibles fossiles et de la production de ciment diminuées de 1048 millions de tonnes de CO2. Ce chiffre avoisine les 9% de moins qu’à la même période en 2019. Alors qu’au niveau mondial, les émissions provenant des transports représentent près de la moitié (43%) de cette baisse, tandis que la production d’électricité a représenté 19%, l’industrie 25% et l’aviation 10%. Les émissions mondiales quotidiennes de dioxyde d’azote sont tombées ainsi à 83 millions de tonnes soit moins de 17% le 7 avril dernier, ce qui équivaut aux émissions enregistrées en 2006 toujours selon le site anglais.

Dans l’Union européenne, la baisse de la demande énergétique et l’arrêt d’une partie de la production pourraient entraîner une chute des émissions de 400 millions de tonnes cette année, soit 9 % des prévisions cumulatives d’émission en 2020, selon une étude préliminaire publiée la semaine dernière. En ce qui concerne les États-Unis, bien que les données soient restreintes à l’heure actuelle, les experts s’attendent à ce que les impacts du coronavirus se fassent également sentir dans l’atmosphère à mesure que l’économie poursuit sa chute libre.

Le premier pays dans cette réduction considérable d’émissions de gaz demeure la Chine. Le plus grand pollueur du monde a vu son taux d’émission de dioxyde d’azote diminué de 10 à 30% selon la Nasa dans la seule région de Wuhan, épicentre du virus et de 30 à 50% dans la majeure partie des régions de la grande métropole industrielle. Les images satellitaires qui se sont multipliées dans plusieurs Etats à la suite de l’arrêt des activités en sont l’illustration parfaite.

En Inde, dans l’Etat du Pendjab, les habitants du district de Jalandhar ont pu contempler les cimes enneigées de l’Himalaya qui depuis des décennies semblaient avoir tout simplement disparu du paysage. Pour cause, la pollution avait sensiblement baissée et les sommets de l’Himalaya étaient visibles à plus de 200 kilomètre. La qualité de l’air s’était alors améliorée de 33% dans le pays en moyenne au mois de mars. Une situation inhabituelle dans un pays où l’industrie, depuis quelques années, n’a cessé de dégrader l’atmosphère.

Aux Etats-Unis, à court terme, le pays à l’arrêt a vu, comme d’autres, une réduction importante de la pollution. A Los Angeles, mégalopole connue pour ses bouchons monstrueux et son smog, le trafic est sensiblement plus fluide, si bien qu’il n’y a plus d’heure de pointe à proprement parler. Même phénomène dans les régions de San Francisco et Seattle, où siègent de grands groupes de la technologie comme Microsoft et Amazon. À la suite de la mise en place du confinement à Seattle, début mars, le nombre de trajets vers le centre-ville a ainsi diminué de 40 % en une semaine, selon un rapport de la société Inrix, qui analyse le trafic routier. À New-York, temple de la finance, les transports en commun sont davantage développés mais cela n’empêche pas la circulation d’être plus fluide à Manhattan. Les émissions de monoxyde de carbone ont décliné de plus de 50 % la troisième semaine de mars, selon des chercheurs de l’Université de Columbia. Des animaux sauvages ont également profité de l’activité humaine moins dense pour s’aventurer en pleine ville. À New-York et San Francisco par exemple, des coyotes ont été aperçus dans des jardins privés ou des parcs publics. L’Europe, elle, a été heureuse de retrouver la mélodie du chant des oiseaux. Un calme particulièrement frappant avait envahi les zones urbaines du continent. En France, le centre d’évaluation Bruitparif a partagé, fin mars, les résultats de ses mesures sur la première semaine de confinement : 6 à 9 décibels en moins, le long des axes routiers. Cela correspond à une baisse de 75 % à 87 % des émissions sonores. Ainsi, les effets positifs les plus observés concernent la qualité de vie et la santé mentale. En Belgique, l’Observatoire royale a rapidement constaté une réduction du « bruit » sismique de 30 % à 50 %, soit l’équivalent des baisses enregistrées en période de Noël, selon le sismologue Belge Thomas Lecocq. Ce calme aiguise la sensibilité des détecteurs situés en zone urbaine, révélant ainsi, avec une précision accrue, des phénomènes aussi subtils que la vitesse des vagues qui frappent le littoral. En Italie, où la principale ressource utilisée pour générer de l’électricité est le gaz naturel, la demande n’a cessé de baisser depuis la mise en quarantaine du pays au début du mois de mars. À la fin du mois, la demande avait chuté de 27 % par rapport à la même période en 2019, d’après une étude publiée le 30 mars par la société de conseil Wood Mackenzie

Le trafic aérien aux arrêts

Les flux aériens ont connu une baisse importante également. Le trafic a été réduit de 54% dans les seuls aéroport européens entre mars et avril selon ACI Europe. Quand on sait que le trafic aérien est responsable de 8% des émissions d’oxyde d’azote, les répercussions sur la qualité de l’air devront être alors significatives. Ainsi, en associant la décroissance de l’appétit électrique de l’Europe à l’important déclin prévu de l’activité industrielle et du trafic aérien, les experts prévoient que les émissions de l’UE pourraient chuter de 389 millions de tonnes cette année.

En Afrique, malgré un confinement non généralisé sur l’étendue du continent, les émissions carboniques ont été revues à la baisse fin avril début mai. La particularité du continent africain réside dans le fait qu’il est la zone la moins industrialisée de la planète et de ce fait participe à une faible importance sur les émissions de gaz à effet de serre. Rappelons d’ailleurs que les nombreuses conférences tenues sur l’environnement mondial depuis 1997 ont eu, à plusieurs reprises, à accorder aux pays africains des indemnités afin de maintenir ou tout au plus d’arrêter ces émissions de gaz pour préserver les données écologiques de la planète. En outre, le Centre africain pour la politique en matière climatique de la Commission économique pour l’Afrique a déclaré que même si la dynamique du climat peut être entravée par la crise actuelle de la pandémie, la réaction internationale au coronavirus pourrait aider la riposte mondiale à faire face à la menace essentielle du changement climatique.

Le scepticisme de certains experts environnementaux

Malgré ces observations positives depuis le début de la pandémie, certains experts écologistes restent toutefois pessimistes sur le long terme. En effet, les données suggèrent que la perturbation mondiale inédite causée par la pandémie de coronavirus est en train de provoquer une diminution brève, mais prononcée des émissions carbone à travers certaines des plus grandes économies de la planète. Bien qu’il soit difficile d’avancer une date pour la relance de ces économies à l’échelle mondiale, celle-ci dépendant d’abord et avant tout de l’efficacité de la réaction des différents pays face au COVID-19, la pandémie pourrait avoir déjà laissé sa marque sur le bilan carbone de l’année 2020. Mais, la reprise des activités mondiales, teintée d’une course sans fin entre les grandes puissances, pourraient être très sévères sur le climat dans les années à venir.

La baisse des émissions de gaz à effet reste alors anecdotique par rapport aux efforts à faire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat mondial. Tout au plus, cela montre ce que nous savions déjà, à savoir que l’activité économique est aujourd’hui encore très largement dépendante des énergies fossiles. D’autre part, laisser entendre que la réponse au changement climatique pourrait être similaire à celle apportée au nouveau coronavirus pourrait s’avérer contre-productif. Car en dépit d’un certain nombre de similitudes entre COVID-19 et changement climatique, il existe aussi des différences notables entre les deux problématiques, au sujet desquelles il s’agit de rester lucide. La plus évidente est sans doute leurs temporalités très différentes. Une autre tient au fait que le changement climatique se résoudra par une transformation de nos économies, non par leur arrêt pur et simple.

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