L’agonie des statues d’esclavagistes

De Houston à Tokyo en passant par Paris ou Londres, les manifestations antiracistes ont secoué le monde ces derniers jours. En effet, La mort de l’américain Georges Floyd a suscité de vives réactions dans plusieurs villes. Si pour certains ces manifestations doivent rester pacifiques, d’autres, plus hostiles, ne le voient point de cette façon. Ainsi, plusieurs statues de figures historiques et politiques liées à l’esclavage ont été vandalisées ou voire déboulonnées. Il est devenu un symbole de libération ou de rébellion dans les manifestations contre le racisme organisées à travers le monde depuis la mort de George Floyd.

Au Royaume-Uni, on a assisté à la chute de la sculpture en bronze d’Edwar Colston, ancien marchand d’esclave exposé au centre de Bristol depuis 1895, qui a été déboulonnée puis jetée à l’eau dans cette ville. Ce qui n’a pas manqué de créer un grand débat dans le pays. Comment est-il possible qu’Edward Colston (1636-1721), qui a été vice-directeur de la Royal African Company, qui a permis le transport de 85 000 esclaves, dont 19 000 sont décédés dans les cales, trône ainsi au cœur d’une cité anglaise? Comment un homme qui s’est enrichi du sang de milliers d’Africains peut-il ainsi être célébré en plein XXIe siècle? Même chose à Edimbourg, où au sommet d’une colonne de 46 mètres trône Henry Dundas, premier vicomte Melville. Ancien ministre de l’Intérieur et de la guerre au début du XIXe siècle, il s’est battu pour bloquer l’interdiction de l’esclavagisme. «Il l’a repoussée d’au moins quinze ans, ce qui a causé l’esclavagisme d’environ 630 000 Africains», s’indigne dans The National, un journal écossais, Geoff Palmer, professeur émérite à l’Université Heriot-Watt, qui se bat depuis des années pour installer au pied de la statue une plaque indiquant ses liens avec le trafic d’esclaves.

Aux États-Unis, des statues de Christophe Colomb, longtemps présenté comme le “découvreur de l’Amérique” et désormais souvent considéré comme une des figures du génocide des indigènes, ont été décapitées ou vandalisées à Boston, Miami et en Virginie. Déjà, lors de l’été 2017, plusieurs statues de soldat de la Confédération des États du sud des États-Unis (qui défendaient l’esclavagisme lors de la guerre de Sécession) sont renversées au grand dam de Donald Trump. Le 12 août, une femme meurt à Charlottesville dans une attaque à la voiture-bélier conduite par un néo-nazi s’opposant au déboulonnage d’une statue confédérée. À Durham (Caroline du Nord), à Gaineville (Floride), Baltimore (Maryland) à la Nouvelle-Orléans (Louisiane) ou encore à Austin (Texas), plusieurs statues érigées en l’honneur de généraux esclavagistes sont démolies les jours suivants. Même scénario samedi dernier à Richmond (Virginie) où la statue de Williams Carter Wikham, un autre général des confédérés, est mise à terre et taguée lors d’une manifestation contre les violences policières.

Ces gestes, qui comptent de nombreux précédents historiques dans le monde, n’ont pas, pour l’heure, été reproduits en France dans le cadre des récentes manifestations. Mais le nom d’une figure historique controversée est évoqué: celui du ministre de Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert, dont le nom reste associé à l’expansion économique de la France mais également à l’élaboration du Code noir, le cadre juridique de l’esclavage dans les colonies françaises. Ainsi, un appel à “déboulonner la statue de Colbert près de l’Assemblée nationale” a ainsi été lancé lors d’une manifestation contre le racisme et les violences policières, organisée par la Ligue de défense noire africaine le 6 juin à Paris.

Au Sénégal, le débat sur le déboulonnement de la statue de Faidherbe à Saint-Louis refait surface depuis cette vague de contestation. Elle avait tombé d’ailleurs en 2017 à la suite de fortes intempéries avant d’être piétinée par de nombreux manifestants qui exigeaient, à l’époque, qu’elle soit retirée de la ville. Elle a ensuite été transférée en un lieu sûr et tranquille, puis reposée sur son socle, après décision du maire. Mais ces derniers jours, les populations de l’ancienne capitale sénégalaise sont revenues sur ce débat et demandent aux autorités de la retirer une bonne fois afin de se départir de ce symbole cynique de l’époque coloniale.

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