Ndatté, la Grande Royale du Walo

Avec Ndatté, on assiste au parachèvement du processus du contrôle du pouvoir initié par les Linguères, dès le 17e siècle. Ainsi, en 1819, dans les accords signés entre le Waalo et les français il ne figurait que des hommes, à partir de 1846, tous les actes officiels portaient le nom de Ndatté Yalla. Elle finit ainsi par reléguer le Brack et les autres dignitaires au second plan.
Parfois les Français ne s’adressaient qu’à Ndatté, et il arrivait que les lettres envoyées au gouverneur ne portent que sa seule signature. Dans une correspondance adressée le 23 mai 1851 à Faidherbe, elle s’exprimait en ces termes : « Le but de cette lettre est de vous faire connaître que l’Ile de Mboyo m’appartient depuis mon grand-père jusqu’à moi. Aujourd’hui, il n’y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient, il est à moi seule ». Ndatté se considérait comme le seul souverain du Royaume du Waalo.
La résistante…
Son règne sera marqué par une défiance permanente des Français contre lesquels elle a livré une bataille acharnée.
Dès 1847, elle s’opposa au libre passage des Sarakolés qui ravitaillaient l’Isle de St -Louis en bétail et adressa une lettre au gouverneur exprimant sa volonté de défendre le respect de sa souveraineté sur la vallée en ces termes : « c’est nous qui garantissons le passage des troupeaux dans notre pays ; pour cette raison nous en prenons le dixième et nousn’accepterons jamais autre chose que cela. St Louis appartient au Gouverneur, le Cayor au Damel et le Waalo au Brack. Chacun de ces chefs gouverne son pays comme bon lui semble » (Barry, 1985 : 275).
Lorsqu’en 1855 les Français arrivent sur la côte sénégalaise dans l’espoir de la coloniser, ils se heurtent à la résistance d’une femme. Postée sur son trône, le visage altier et le corps opulent, elle fume sa longue pipe. Autour d’elle, plus de 500 femmes richement vêtues et une gigantesque armée lui obéissent au doigt et à l’œil.
Elle connaît bien ces envahisseurs – sa famille, les Tédiek, s’est enrichie grâce à leur long règne et aux nombreux échanges avec les comptoirs français – et elle est prête à prendre les armes pour défendre ce qui est à elle.
En langue sérère et wolof, linguère signifie reine ou princesse, c’est le titre attribué à la mère ou à la sœur du souverain. Et il n’était pas rare que l’une d’elles accède au trône. Les Linguères étaient donc préparées à diriger leur peuple, politiquement et militairement. Elles étaient formées pour gérer le royaume d’une main de fer.
Le courage est un trait dont elles héritèrent de génération en génération et Ndaté Yalla a en elle le tempérament fier de sa mère, la Linguère Fatim Yamar. Elle se souvient encore de sa mort.
Elle finit par faire prévaloir ses droits sur l’île de Mboye et sur l’île de Sor (actuelle ville de St Louis) qu’elle affirma n‘avoir jamais vendu à personne. Ndatté continua les pillages autour de St-Louis et n’avait cure des menaces du gouverneur. Elle refusa de rembourser les dommages commis comme le réclamaient les français.
Le 5 novembre 1850 elle interdit tout commerce dans les marigots de sa dépendance. Avec cette mesure, la guerre devenu ait inévitable, car les français voulaient assurer la sécurité de leur commerce dans la vallée du fleuve. Avec l’arrivée de Faidherbe en 1854, le Waalo va être le premier à subir les coups de la politique de conquête du Sénégal. Le 5 février 1855 Faidherbe déclencha la bataille et les troupes du Waalo seront finalement battues le 25 Février 1855 par la puissance technologique de l’ennemi.
…La mère éducatrice
Après sa victoire sur la Reine, Faidherbe emmena son fils Si dya , âgé de dix ans, à Saint-Louis où il sera scolarisé à l’école des otages et sera envoyé plus tard en 1861 , au lycée impérial d’Alger. En 1863, Sidiya demanda à revenir au Sénégal où, il poursuivit pendant quelques mois les cours de l’école des frères. Il fût baptisé et eut pour parrain Faidherbe qui lui donna le prénom de Léon.
En 1865, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans, la Colonie lui confia le commandement du canton de NDER. Mais il ne tardera pas à refuser d’être un relais docile de cette administration et finira par la défier. Il va ainsi poursuivre le combat nationaliste initié par sa mère.
Devant une grande assemblée de dignitaires et de son peuple, il sacrifia à la tradition des Brack : Après s’être débarrassé de ses habits européens, il prit le bain rituel dans les eaux du fleuve, se rhabilla en tenue traditionnelle et jura de ne plus jamais parler la langue du colonisateur. Ensuite il se fit faire des tresses de Thiédo (actuels dread locks) à Thianaldé, marquant ainsi le symbole de son appartenance sociale.
En novembre 1869, SIDYA dirigea une insurrection générale contre les français et fit subir de lourdes pertes aux troupes françaises. Mais l’administration coloniale ne cessa de le traquer. Arrivé chez Lat Dior pour la concrétisation d’un front de libération nationale, il fut trahi par ses guerriers qui le livrèrent au Gouverneur Valère à Saint-Louis le 25 décembre 1875. Il sera déporté au Gabon en 1876 où il mourut en 1878 à l’âge de 30 ans.
Les cendres de Sidiya doivent rejoindre celle de sa mère.
POUR ÊTRE SIDIYA, IL FALLAIT AVOIR COMME MÈRE LA REINE NDATTÉ YALA.
Il a fallu une mère admirable pour avoir pu inculquer à un enfant âgé d’à peine 8 ans, les valeurs suprêmes, qui lui ont permis d’opposer aux français une résistance culturelle et militaire. Faidherbe a tenté en vain de le dépouiller de son identité et de sa religion traditionnelle en le nommant Léon et en le faisant baptiser comme un chrétien. Malgré tous ses efforts, il n’a jamais réussi à dompter le fils de Ndatté, profondément enraciné dans la culture des siens, et porteur des valeurs de fierté et de nationalisme défendues par sa mère.
En mars 1820, le Brack, terme Waalo pour roi, avait quitté le palais avec tous les hauts dignitaires de sa cour, pour aller se faire soigner dans une ville voisine. Ayant eu vent de son absence, les maures, ennemis de l’État voisin, en profitèrent pour attaquer la capitale. Confiants mais vite désabusés, ils firent face aux guerrières de Fatim Yamar.
Intrépides, celles-ci repoussèrent l’ennemi hors des murs de la cité avec une aisance insolente.



Honteux d’avoir été vaincus par des femmes, les maures revinrent en nombre. Après un sanglant combat, les envahisseurs vinrent à bout de l’armée composée majoritairement de femmes.
À la mort de sa sœur, Ndaté Yalla accède au trône. Elle fait tomber tous ses ennemis et se plaît à défier les Français, à qui elle rappelle sans cesse leur condition d’étrangers sur ses terres. Elle écrit continuellement à l’administrateur Faidherbe…
En 1851, elle lui envoie une missive : « Le but de cette lettre est de vous faire connaître que l’Ile de Mboyo m’appartient depuis mon grand-père jusqu’à moi. Aujourd’hui, il n’y a personne qui puisse dire que ce pays lui appartient, il est à moi seule. Saint Louis appartient au Gouverneur, le Cayor au Damel et le Waalo au Brack. Chacun de ces chefs gouverne son pays comme bon lui semble. »
Ndaté se considère comme la seule souveraine du Royaume du Waalo et n’hésite pas une seconde à livrer des batailles acharnées aux Français qui oseraient défier sa légitimité royale.
Elle va jusqu’à piller les environs de Saint-Louis pour narguer Faidherbe et lui rit au nez quand il réclame un remboursement des dommages causés.
“Comment recevoir une compensation pour une chose qui ne vous appartient pas ?” Le poussant toujours un peu plus à bout, elle fait prévaloir ses droits sur les îles de Mboyo et de Sor, l’actuelle ville de Saint-Louis, et fait interdire tout commerce avec les français.
Ces derniers n’en peuvent plus de son audace. Faidherbe rassemble toutes ses troupes et lance l’attaque contre le royaume insoumis, qui cette fois tombe sous les coups ennemis.

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